La scolarisation de Quinn : L’importance de l’inclusion
- Inclusive Education Canada
- 26 mai
- 4 min de lecture
Écrit par Martha Walls, la maman de Quinn (Halifax, N.-É.)

Martha Walls est une ardente défenseure de l’éducation inclusive. Elle et son mari, Corey Slumkoski, sont professeurs d’histoire à l’Université Mount Saint Vincent (UMSV) à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Martha est spécialisée dans l’histoire des Premières Nations du Canada atlantique, plus particulièrement sur les expériences des femmes mi’kmaq au 20e siècle. Martha et Corey se sont engagés à veiller à ce que leur fille Quinn, âgée de 12 ans, soit incluse à l’école et dans la communauté. Cela a été tout un défi! Ils se sont également impliqués activement dans le programme MountAbility de l’UMSV, qui aide les étudiants et étudiantes en situation de handicap à accéder aux cours universitaires et à la vie sur le campus.
Quand notre fille Quinn, qui est atteinte de trisomie 21, est arrivée au monde en mars 2013, nous étions remplis d’optimisme, espérant que notre bien-aimé bébé mène une vie épanouissante remplie de d’opportunités, d’acceptation et d’amitiés. Le personnel exceptionnel de sa garderie au Centre d’études sur l’enfant de l’Université Mount Saint Vincent a travaillé sans relâche pour l’inclure pleinement, nous démontrant ainsi les grandes possibilités offertes par l’inclusion. Malheureusement, le passage de Quinn à l’école publique en 2018 s’est avéré beaucoup plus difficile que prévu. Assurer son inclusion dans sa classe de primaire s’est révélé plus ardu que ce que nous avions anticipé. Malgré tout, à la fin de sa première année scolaire, les choses se sont stabilisées, Quinn était bien soutenue – et elle adorait l’école. Comme tout le monde, nous n’aurions jamais pu imaginer la pandémie mondiale qui allait frapper au milieu de sa première année.
Parce que Quinn avait déjà passé la plupart de sa vie marquée par de nombreux séjours traumatisants à l’unité de soins intensifs pédiatriques en raison de virus respiratoires, il va sans dire que la COVID-19 est rapidement devenue notre pire cauchemar familial. Cela a aussi entrainé une lutte de cinq ans pour que Quinn ait un accès sécuritaire et significatif à l’école.
Étant donné que Quinn a une déficience intellectuelle qui l’empêche de bien porter un masque, et considérant son historique médical inquiétant face aux virus, ses médecins ont recommandé à l’automne 2020 qu’elle poursuive l’école à distance et que les membres du personnel en contact direct avec elle portent un masque.
Malheureusement, notre Centre régional de l’éducation (CRE) à Halifax, en Nouvelle-Écosse, a invoqué un manque de ressources et s’est opposé à toute accommodation significative pour Quinn. À plusieurs reprises, on nous a même suggéré de faire l’école à la maison. Durant les 2e et 3e années de Quinn, notre plaidoyer acharné a permis quelques petits gains : 15 minutes de soutien académique en ligne sont devenues 30 minutes par jour, accompagnées d’une séance hebdomadaire d’orthophonie virtuelle – des séances bien en deçà de ce que nous estimions comme étant une accommodation raisonnable.
En début de 4e année, Quinn a été confrontée à un nouveau problème : on lui a refusé tout soutien en ligne, et le CRE n’a pas voulu appliquer la recommandation du médecin demandant au personnel de porter un masque en sa présence (pour l’aider à s’habiller et la garder assise et concentrée. Le seul point positif cette année-là a été une enseignante extraordinaire qui a accueilli virtuellement Quinn chaque matin pour un moment de jeux et d’activités avec ses camarades. Même si cela permettait à Quinn de connaître et d’être connue de ses pairs, nous déplorions l’absence totale de contenu académique. Épuisés par les obstacles constants et le Épuisés par les obstacles constants et le détournement cognitif (gaslighting),, nous avons terminé l’année scolaire complètement découragés.
Cette année scolaire, alors que Quinn entrait en 5e et dernière année d’école primaire, nous avons trouvé l’énergie nécessaire pour effectuer un nouvel essai. Sans surprise, la recommandation médicale pour que le personnel porte un masque a été rejetée, et le CRE a répété qu’il n’avait aucune obligation d’accommoder Quinn.
N’ayant plus d’options, nous nous sommes tournés vers Inclusion Nouvelle-Écosse. Ce n’est pas une exagération de dire que le soutien de Jana Henderson, responsable du leadership familial à Inclusion Nouvelle-Écosse, a fait basculer la situation en faveur de Quinn. Nous sommes extrêmement reconnaissants à Jana et ses collègues pour leur perspicacité et leurs conseils, ainsi que pour le soutien d’Inclusion Canada qui a rapidement suivi. Ce réseau de soutien nous a permis de collaborer avec le CRE pour trouver un chemin vers une journée scolaire adaptée. La route a été sinueuse, nécessitant de nombreux courriels et réunions. Mais finalement, six mois après le début de l’année scolaire, nous avons été témoins d’un changement significatif : le CRE de Quinn a accepté d’embaucher un membre du personnel de soutien qui porterait un masque en sa présence. Quinn a pu retourner en classe pour la première fois depuis 2020.
Nous sommes ravis que Quinn soit enfin de retour à l’école, mais cette joie est ternie par un sentiment de frustration, car la fréquentation scolaire de Quinn dépend toujours de la disponibilité de son accompagnatrice masquée. Nous sommes aussi profondément troublés par le fait que, malgré une politique d’éducation inclusive – et une solution somme toute très simple –, le CRE ait combattu le droit de notre enfant à une éducation adaptée pendant plus de quatre ans. Nous sommes également très inquiets des conséquences de son exclusion : comment cela affectera-t-il son développement académique, émotionnel et social? Pire encore, combien de familles dans des situations semblables ont renoncé ou accepté l’école à domicile faute d’autre option? Combien de familles dans notre province vivent ces combats année après année?
Malgré toute notre inquiétude, nous gardons espoir. En avril dernier, lorsque l’enseignante de Quinn a annoncé son retour, toute la classe de 5e année a applaudi à tout rompre! Cette réaction touchante nous prouve que le pouvoir de l’inclusion est plus fort que le problème de l’exclusion. Comme nous l’avons fait à la naissance de notre fille il y a 12 ans, nous restons optimistes : des opportunités, de l’acceptation et des amitiés traceront leur chemin jusqu’à Quinn.