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Position sur l’accès à la justice

Au Canada, les personnes ayant une déficience intellectuelle sont encore les personnes les plus marginalisées et les plus exclues. Les lois ont traditionnellement sapé leurs droits. En reconnaissant que le handicap ne peut priver une personne de sa pleine identité et de sa citoyenneté à part entière, la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CRPD) marque un changement de paradigme en matière de droit international. Cette exclusion est le fruit du capacitisme systémique, ancré dans de traditionnels préjudices, idées fausses et discrimination. Les gouvernements du Canada n’ont pas réussi à fournir les aides, ressources et revenu appropriés pour que les personnes ayant une déficience intellectuelle soient pleinement intégrées dans la société, sur une base d’égalité avec les autres. Avec une position totalement inclusive, nous intervenons en leurs noms, épousant la diversité de leurs méthodes de communication et reconnaissant la gamme de leurs handicaps.


Policy Context

Le capacitisme est une forme de discrimination ou de préjudice exercée envers des personnes en situation de handicap. Il peut se manifester de manière évidente ou subtile, notamment par le biais de préjugés conscients, exprimant des croyances ou des actions délibérés ou intentionnelles, ou par des préjugés inconscients, alimentés par d’automatiques ou involontaires hypothèses ou stéréotypes qui, à notre insu, influencent notre comportement. Ces préjugés sont souvent enracinés dans nos esprits à cause de normes sociétales, d’antécédents culturels ou d’expériences personnelles. Le capacitisme implique également de néfastes pratiques qui sousestiment et limitent le potentiel des personnes ayant une déficience intellectuelle. Le capacitisme est de nature systémique, à savoir qu’il est profondément ancré dans nos structures sociétales, incluant le langage et les politiques et qu’il conduit à l’inégalité et à l’exclusion.

Capacitisme et vulnérabilité

L’omniprésence du capacitisme fait de ce groupe identifiable l’un des plus vulnérables de la société; elle provoque une victimisation et une exclusion disproportionnées en ce qui a trait à l’accès aux divers paliers sociétaux, y compris au système judiciaire. L’infantilisation souvent appliquée par les tribunaux et par les lois à l’égard des adultes ayant une déficience intellectuelle en est un exemple flagrant, donnant lieu à des décisions et des jugements fondés sur cette fausse catégorisation. Cela non seulement sape leurs droits mais perpétue en outre de néfastes pratiques qui sous-estiment et limitent leur potentiel. En ce qui a trait à l’accès à la justice, nous considérons que le système judiciaire regroupe trois principaux paliers: la police, les tribunaux et les services correctionnels. Il est alors important de souligner l’interconnexion entre l’accès à la justice et ces paliers ainsi que les différents rôles que les individus peuvent y jouer. De plus, l’administration de la justice englobe les législatures, les forces de l’ordre, les services juridiques, les services d’aide aux victimes, les services correctionnels, les fournisseurs de services, les membres et les groupes de la communauté ainsi que d’autres systèmes de soutien sociétaux comme les services de santé, d’éducation et les services sociaux.


Inégalité de traitement et exclusion

Le gouvernement et la société civile continuent de traiter les personnes ayant une déficience intellectuelle comme des personnes d’inégale valeur ou de moindre mérite, notamment les personnes aux besoins complexes ou graves, qui ne disposent pas de moyens de communication réguliers. Ce qui les exclut de toutes les facettes de leur vie, notamment en tant que membres de la communauté. Par exemples, les personnes ayant une déficience intellectuelle reconnues coupables d’infraction doivent accéder davantage à des programmes de déjudiciarisation ainsi qu’à des peines alternatives car leur incarcération les transforme en victimes. Avec ses préjugés bien ancrés, ses idées fausses et son manque de compréhension, la société elle-même joue un rôle important dans cette pérennisation de la marginalisation et de la dévalorisation des personnes ayant une déficience intellectuelle. Il incombe donc à la société dans son ensemble de s’informer davantage et de manifester une plus grande empathie, contribuant ainsi à un Canada plus équitable et plus inclusif. À cette fin, nous réclamons pour les professionnels du système judiciaire, y compris la police, les avocats et les juges, des programmes de formation complets sur les droits des personnes ayant une déficience intellectuelle.


Mary était anxieuse à l’approche de son accouchement. Son médecin lui a suggéré d’aller à l’hôpital pour se préparer à la naissance du bébé. Peu de temps après avoir accouché d’une petite fille de sept livres, une infirmière s’est approchée et l’a avertie que son bébé allait être pris en charge car elle ne pouvait assurer sa maternité à cause de son handicap.

Le sort des personnes autochtones ayant une déficience intellectuelle

Le sort des personnes autochtones ayant une déficience intellectuelle mérite une attention particulière. Nous perpétuons la discrimination intersectionnelle basée à la fois sur leur identité autochtone et sur leur déficience intellectuelle. Ce double fardeau discriminatoire intensifie l’exclusion et la marginalisation. Protections juridiques et obligations internationales En vertu de la Constitution Canadienne, des lois fédérale, provincial/territoriales sur les droits de la personne et du droit international, la marginalisation et la discrimination imposées aux personnes ayant une déficience intellectuelle sont illégales. Cette législation inclut l’article 15 de la Charte Canadienne des droits et libertés (qui garantit les droits à l’égalité et la non-discrimination), les lois fédérales, provinciales/territoriales sur les droits de la personne et l’article 13 de la CDPH (concernant l’égalité d’accès à la justice), que le Canada a signée et ratifiée.


Sam rentrait à pied de son travail dans la communauté lorsqu’il a été arrêté par la police. Il s’est réjoui lorsque les policiers l’ont invité à monter dans leur voiture. Au poste, les policiers lui ont dit qu’une femme avait été gravement blessée (agressée sexuellement) à quelques rues de là. Ils lui ont demandé ce qu’il faisait avant de les rencontrer. Voulant les aider, Sam a convenu que oui, il l’avait fait. C’était un aveu d’agression. Et parce que la police n’a pas enquêté correctement, Sam a été emprisonné jusqu’à ce que l’ADN le disculpe et qu’il soit libéré.

Obstacles systémiques dans le système judiciaire

À cause de persistantes hypothèses basées sur les préjudices et la mésinformation, le système judiciaire présume encore, et à tous les niveaux, que les personnes ayant une déficience intellectuelle sont incapables de comparaitre en tant qu’agresseurs, victimes, demandeurs, délinquants, plaignants et intimés, ce qui leur barre systématiquement l’accès à la justice. Par exemple, l’incidence des agressions et des abus sexuels est beaucoup plus élevée chez les femmes ayant une déficience intellectuelle que chez les autres. Les enquêteurs, les procureurs et les juges doivent être convaincus de la véracité du témoignage de la victime et ne pas la rejeter pour motif de déficience intellectuelle. De plus, ils doivent avoir les compétences, les connaissances et le soutien requis pour obtenir les témoignage des femmes ayant une déficience intellectuelle, y compris celles aux moyens de communication limités ou intensifiés. L’incapacité des personnes ayant une déficience intellectuelle de participer pleinement au système judiciaire n’est pas due à leur handicap mais résulte directement du caractère peu inclusif et non conciliatoire du système judiciaire, de sa non-réactivité, de sa discrimination et de sa pratique d’exclusion. C’est de la discrimination systémique à tous les niveaux et contraire à la primauté du droit. Ces obstacles systémiques incluent le manque d’informations judiciaires accessibles et l’absence de soutien adéquat permettant aux personnes ayant une déficience intellectuelle de participer pleinement aux procédures judiciaires.


À cause de la négligence présumée d’un travailleur de soutien direct dans une résidence de soins pour bénéficiaires internes, une femme a perdu sa sœur qui avait une importante déficience intellectuelle et ne communiquait pas verbalement. Très dépendante des services de soutien, avait de complexes besoins exigeant des soins spécialisés. La dame a demandé au médecin légiste en chef de mener une enquête approfondie sur l’incident. La demande a été rejetée sous prétexte que des mesures ministérielles avaient été mises en vigueur pour améliorer la sécurité des résidents. Mais la dame a estimé que ces mesures ne comblaient pas spécifiquement les besoins des résidents comme sa sœur. Devant le caractère définitif de la décision, sans possibilité d’appel, elle a eu le sentiment que le système n’avait pas rendu justice à sa sœur.

Le rôle du gouvernement fédéral

Il incombe au gouvernement fédéral, en tant qu’État partie ayant signé et ratifié la Convention, de respecter ses obligations constitutionnelles et internationales en supprimant les obstacles systémiques, historiques et contemporains pour que les personnes ayant une déficience intellectuelle puissent accéder au système judiciaire sur la base de l’égalité avec les autres. Dans une société démocratique, la primauté du droit doit garantir l’égalité d’accès à la justice et par conséquent l’égalité de traitement pour les personnes ayant une déficience intellectuelle. Tout membre de ce groupe abordant le système de justice pénale doit pouvoir bénéficier d’une expertise liée au handicap afin de pouvoir naviguer dans ce système, en tant que victime, plaignant, présumé contrevenant ou pour respecter une décision judiciaire de retour dans la collectivité en cas de condamnation. Le non-respect de la loi provoque directement de graves et systémiques obstacles auxquels sont confrontées les personnes ayant une déficience intellectuelle, entravant leur accès à tous les niveaux du système judiciaire.


Nos appels à l’action

Inclusion Canada, seule organisation nationale se consacrant exclusivement à l’avancement de la pleine inclusion et des droits des personnes ayant une déficience intellectuelle, s’engage à démanteler les obstacles systémiques à la justice. Grâce à notre vaste réseau et à notre expertise, nous sommes prêts à collaborer, à guider des changements politiques et à propulser la transformation vers un système de justice inclusif et accessible à tous. Inclusion Canada exhorte les gouvernements, les institutions juridiques, les forces de l’ordre, les médias et la population à :


  1. Élaborer et mettre en oeuvre une stratégie globale et pluriannuelle, enracinée dans l’article 13 de la CDPH, visant à garantir l’égalité d’accès à la justice aux personnes ayant une déficience intellectuelle.

  2. Reconnaitre et s’attaquer à la discrimination systémique à laquelle sont confrontées les personnes ayant une déficience intellectuelle dans le système judiciaire, en démantelant les obstacles enracinés dans le capacitisme et le racisme systémique.

  3. Reconnaître et s’attaquer à la discrimination intersectionnelle à laquelle sont confrontées les personnes autochtones ayant une déficience intellectuelle et ce en prenant des mesures pour démanteler les obstacles aggravants, enracinés dans le capacitisme et le racisme systémique.

  4. Garantir, à toutes les personnes ayant une déficience intellectuelle, la distribution d’informations juridiques accessibles et adaptées ainsi que la prestation de services de représentation et de soutien, en tenant compte de la diversité de leurs moyens de communications et en reconnaissant le spectre de leurs handicaps.

  5. Garantir aux personnes ayant une déficience intellectuelle qu’elles seront traitées avec respect et dignité dans le système de justice pénale.

  6. Associer les personnes ayant une déficience intellectuelle à l’élaboration des politiques et pratiques liées à l’accès à la justice.

  7. Contester les stéréotypes et les préjudices accolés aux personnes ayant une déficience intellectuelle en encourageant la compréhension et l’inclusion.


Nous invitons également les établissements d’enseignement, les organisations communautaires et les groupes d’intervention à :

  1. Établir un partenariat avec Inclusion Canada, organisation prête à contribuer à toutes les initiatives visant à améliorer l'accès à la justice pour les personnes ayant une déficience intellectuelle. Nous invitons toutes les parties à participer à cet effort crucial pour rendre le système judiciaire plus équitable et plus accessible.

  2. Collaborer et partager les ressources et les connaissances afin de s’attaquer aux obstacles systémiques auxquels sont confrontées les personnes ayant une déficience systémique en tentant d’accéder à la justice.

  3. S’efforcer collectivement de créer un système judiciaire inclusif et équitable pour tous, englobant l’ensemble des capacités.


Reconnaître le rôle des technologies pour améliorer l’accès au système judiciaire. Nous encourageons tous les groupes à explorer et à s’investir dans des solutions novatrices, capables de surmonter les obstacles financiers, de communication et autres, auxquels sont confrontées les personnes ayant une déficience intellectuelle en tentant d’accéder à la justice.


Conclusion: Vers une société plus inclusive

Forte de son engagement et de son expertise, Inclusion Canada est prête à ouvrir la voie à la création d'une société plus inclusive, plus équitable et plus juste. Nous sommes déterminés à défendre les droits et la dignité des personnes ayant une déficience intellectuelle et nous sommes prêts à collaborer pour garantir l'égalité d'accès au système judiciaire. C’est en faisant front commun que nous pourrons briser le cycle de la marginalisation et construire un avenir inclusif pour toutes les Canadiennes et tous les Canadiens. Notre détermination est inébranlable et nous vous invitons toutes et tous à vous joindre à nous dans cette entreprise cruciale. Ensemble, transformons le système judiciaire en une institution qui soit véritablement au service de tous, quelles que soient les capacités individuelles. En suscitant les investissements nécessaires et en inspirant des changements juridiques et politiques, cette déclaration servira de catalyseur à une justice réparatrice, améliorant ainsi la vie de tous les membres de la société.

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